Comme vous le savez, les sacs Albatras sont fabriqués à partir de voiles de bateaux recyclées à Marseille, dans un atelier employant des personnes en réinsertion sociale et professionnelle. Nous avons interviewé la fondatrice et directrice de notre atelier afin qu’elle vous en dise un peu plus sur son métier, sur l’atelier et sur la fabrication de nos sacs.
Pouvez-vous vous présenter (nom, prénom, âge, études, parcours…) ?
“Je m’appelle Yolande, j’ai 52 ans et j’ai fait un BTS industrie habillement en 1990. C’est une formation d’industrielle dans la confection. Malheureusement, j’ai obtenu ce diplôme au moment où la France a commencé à délocaliser sa production. Je suis donc devenue modéliste pour des petites marques. J’ai également été créatrice pendant 5 années au cours desquelles je participais à des salons pour vendre mes créations. Plus récemment, j’ai créé un atelier de réinsertion.”
Depuis quand occupez-vous le poste de Directrice de cet atelier ?
“J’ai fondé cet atelier il y a 6 ans à la suite de la fermeture de mon ancienne association. Cette dernière a fermé puisque les créateurs que j’accompagnais ont tous fermé les uns après les autres et à cause de l’annulation des aides de l’État. J’ai donc présenté ce nouveau projet au groupe Arborescence. Nous avons fait une étude de faisabilité et en avons conclu que la sellerie marine était une activité pertinente.”
En quoi consiste votre activité aujourd’hui ?
“Je reçois les salariés en début de journée de travail. Dès qu’ils sont installés à leur poste, je m’occupe de répondre aux demandes. Je passe également beaucoup de temps à gérer l’administratif et la partie commerciale en sellerie. Avant, j’occupais aussi le rôle de contrôleuse qualité mais j’ai récemment cédé cette responsabilité à une employée qui est en alternance au sein de l’atelier.”
Quelles étaient vos motivations et objectifs pour la création de cet atelier ?
“Ma motivation est d’abord personnelle. J’ai passé beaucoup de temps à exercer ce métier en essayant de gagner ma vie mais ça a toujours été compliqué à cause de la concurrence asiatique et de la difficulté de s’aligner en France. Les métiers dans la confection ont toujours été mal payés et ne reçoivent pas beaucoup de reconnaissance. Ma volonté en créant ce chantier de réinsertion dans la sellerie était donc d’aider des femmes qui savent coudre à trouver un travail valorisé et mieux rémunéré. En effet, dans la sellerie le salaire moyen est de deux fois le SMIC parce que c’est une activité plus compliquée pour laquelle il faut avoir des notions de coupe, de patronage etc.”
Quelles sont les valeurs phares / engagements de l’atelier ?
“Notre engagement principal est d’accompagner les salariés en réinsertion à aller de l’avant et à se projeter dans un avenir plus serein en stabilisant leur situation professionnelle, sociale et familiale. Nous leur proposons diverses formations techniques et sociales ainsi que des remises à niveau en français, en mathématiques etc. Le but n’est pas de garder les salariés – nous avons un agrément de 2 ans – mais de les accompagner dans un futur projet professionnel. Sur une quinzaine de personnes qui ont quitté l’atelier depuis sa création, la majorité d’entre elles sont restées dans la sellerie et se sont mis à leur compte.”
Combien de personnes y travaillent ?
“Aujourd’hui au sein de l’atelier, 13 femmes et 2 hommes s’occupent de la confection des produits. Il y a également une alternante encadrante technique qui s’occupe du contrôle qualité et une personne qui fait de l’accompagnement socio-professionnel qui intervient 1 jour et demi par semaine. J’ai plus tendance à recruter des femmes puisque beaucoup d’hommes travaillent dans la sellerie. Mon objectif était de valoriser ce métier auprès des femmes.”
Y a-t-il des spécificités liées au fait de travailler avec des personnes en réinsertion ?
“Je dirais que la spécificité première est la vigilance ainsi que le respect du cahier des charges. Les salariés sont en formation permanente et moi je suis dans le contrôle en permanence.”
Comment récupérez-vous les voiles de bateaux recyclées ?
“Nous récupérons principalement nos voiles auprès de la Capitainerie du Vieux Port de Marseille. Nous avons également pour projet de nous rapprocher des voileries puisque nous commençons à manquer de matières. Nous passons aussi occasionnellement par des particuliers en communiquant sur les réseaux sociaux. Il arrive que certains nous fassent don de voiles. Nous les remercions en leur offrant un accessoire conçu à partir de leur ancienne voile.”
Combien de sacs fabriquez-vous avec une voile ?
“Nos voiles font en moyenne 20 à 30 mètres de long. Nous pouvons donc fabriquer une quinzaine de sacs Albatras avec une voile puisqu’ils sont doublés.”
Y a-t-il des difficultés liées au fait de fabriquer des accessoires en voile ?
“Il y a un gros travail de préparation avant de pouvoir commencer la confection. Lorsque nous les récupérons, les voiles sont entourées par de la corde et des matériaux rigides aux extrémités. La première difficulté est donc de les couper. La seconde difficulté est de les nettoyer. D’ailleurs, nous recherchons un partenaire pour cette étape puisque l’activité grandit, notamment avec les nombreuses commandes d’Albatras. Avant, nous lavions toutes les voiles dans une machine à laver de l’atelier mais cela devient compliqué. Pour finir, il faut être vigilant lorsque nous cousons les voiles car en cas de défaut de couture, aucun retour en arrière n’est possible !”
Comment se passe la production des sacs Albatras ?
“La première étape consiste à examiner l’état de la voile afin de voir quelle quantité de matière est utilisable. Ensuite, nous la nettoyons et coupons 2 rectangles qui partent directement chez notre partenaire qui brode le petit A. Une fois ces 2 rectangles récupérés, on coupe la bâche sur laquelle ont été réalisés les points zig zag, on plaque la sangle sur les rectangles, on ajoute les anses puis la poche à l’intérieur du sac. Pour finir, on assemble la doublure avec le sac, on monte le zip et on ajoute les 2 cercles sur les côtés. Et le tour est joué !”
Combien de sacs êtes-vous capables de produire en une journée ?
“Une personne peut produire 4 à 5 sacs par jour. Il faut savoir que les sacs Albatras nécessitent beaucoup de temps de confection. En ce moment, 4 personnes les fabriquent au sein de l’atelier.”
Quelles sont les évolutions / projets à venir pour l’atelier ?
“Notre principal objectif est de faire grandir l’atelier et de pérenniser des postes en proposant à nos employés en réinsertion des contrats classiques. Parallèlement, nous cherchons de nouveaux locaux puisqu’on commence à être à l’étroit ici. Nous avons également démarré un projet en janvier avec Vista Ballon. Cette entreprise œuvre en collaboration avec une ONG au Kenya qui fabrique des ballons de football en cuir recyclé. Quant à nous, nous nous chargeons de coudre le dernier losange à la main et de réparer les ballons.”
Et pour vous ?
“J’aimerais stabiliser la situation financière du chantier d’insertion pour qu’il puisse perdurer dans le temps.”